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Interview de Pierre Paul Menegoz

dimanche 9 mars 2008, par ppmenegoz

Né en 57, père de deux enfants de 24 et 28 ans en 2014, moniteur de delta de 83 à 86, moniteur de parapente depuis, président du Syndicat des Moniteurs de Vol Libre pendant un mandat, Directeur des vols général de la Coupe Icare pendant une dizaine d’années, écrivain et speaker de manifestations de vol libre.

Speaker à la Coupe Icare… pourquoi, comment ?

La première fois c’était en 1987, les premiers vols déguisés parapente. Il m’a semblé nécessaire d’aider par la voix les pilotes peu habitués au décollage de la moquette et handicapés par leur déguisement. J’ai pris un cône de chantier pour faire porter ma voix… Lors du débriefing, des bénévoles ont fait remarquer que mes commentaires n’étaient pas seulement utiles aux pilotes mais animaient aussi les envols. L’année d’après j’avais une première sono rudimentaire, devenue très performante au fil des années.

Les déguisements qui t’ont le plus marqué depuis que tu suis la Coupe Icare ?

Ils sont nombreux ! D’abord le premier « gros déguisement » : une chenillette grandeur nature en polystyrène pilotée par Claude Amann. Il avait fallu six personnes pour la mettre en l’air sous son biplace Falhawk… Le dragon de 45 mètres de long de Philippe Bernard dont la tête, très réussie, pesait 45 kg à elle seule. Le premier décollage en échasses réalisé par Pascal Pinson sous la forme d’une cigogne. Les inventions de Francis Heilman dont la plus réussie est pour moi la dernière, autre dragon, gonflable par le vent relatif cette fois, et tout en hauteur, création admirable alliant technologie, technique et esthétique.
D’autres déguisements m’ont touché par leur message. Le temps de leur vol ils ont rassemblé des milliers de spectateurs portés par l’espoir d’un monde meilleur. Ainsi « Yanosh », l’immense oiseau sur échasses du comédien/pilote Michel Vienot qui plaidait pour la Paix, ou encore le fil d’Ariane, cinq ailes transportant cinq sphères représentant les cinq continents, reliées par un interminable ruban de couleur, symbole de l’indéfectible lien qui unit les hommes entre eux… une histoire de planète partagée.

Il y eu, aussi, tous ceux qui ont fait rire…

Oui, souvent des déguisements réalisés par un club dynamique. Je me rappelle avoir ri aux larmes avec la mise en scène de « La guerre des étoiles ». Des deltas ayant décollé de plus haut, fondaient sur leurs adversaires parapentistes présents sur la scène de la moquette, bombardant le public d’une nuée de confettis semés dans leur fulgurant sillage. Roulant sur eux même, tels des guerriers au combat, les attaqués ripostaient avec d’énorme fusils à eau. Inoubliables aussi les somptueux déguisements du GUC illustrant l’Egypte ancienne où Cléopâtre fut représentée avec les plus belles jambes jamais résillées et féminines de l’histoire… Et puis les coccinelles, mantes religieuses, vélos, motos, voitures, kayaks, tandems, Titanic, douches, Tintin, Lucky Luke, kart, hommes grenouilles, papillons, champignons, clowns, sorcières, et la locomotive italienne, les grosses têtes polonaises, le cercueil nippon, la Tour Effel allemande, le pousse pousse indonésien … Il faut aussi parler des clubs : celui d’Allevard qui travaille toute l’année pour travestir ses nombreux participants, les Fous de Dunkerque, et tant d’autres...

La plus grosse frayeur ?

Une baignoire en fonte qui n’a pas décollé et s’est posée au fond des souches… sans bobo !

Les films ?

On ne peut pas tout voir. J’en ai raté beaucoup. Je les vois après coup quand cela m’est possible. Mais je perds alors l’ambiance irremplaçable d’un chapiteau remplis d’amis et de complices. C’est un regret mais aussi une preuve de l’incroyable densité des animations qu’on trouve à la Coupe Icare.

L’acro, tu pourrais la "speaker" aussi ?

A la Coupe Icare, je ne peux pas me dédoubler, mais l’acro je la « speake » ailleurs ! J’anime depuis 7 ans le Vertigo de Villeneuve, dont les championnats du monde de l’année dernière, les Acrofolies d’Annecy, l’Acrolac. Je suis aidé par une petite pratique personnelle de la voltige qui me permet une certaine compréhension mécanique des figures. Je connais la plupart des pilotes présents sur le circuit.

Tu fais la SAT ?

Oui je fais la SAT. Ce qui me permet d’affirmer que sa maîtrise est totalement inutile d’un point de vue sécurité, contrairement à celle de l’autorotation ou d’un pilotage actif dans sa sellette en conditions turbulentes.

Ton plus beau vol ?

St Hilaire-Grenoble-Megève et retour… interrompu à Chamoux. C’est peu au regard de ce qui se fait aujourd’hui par des pilotes qui volent souvent moins que moi. C’est le lot des moniteurs que de ne pas avoir le temps de voler pour eux même.

Quel type de vol tu préfères aujourd’hui ?

Le cross, les vols en voyages, les baptêmes en biplace partagés avec des personnes qui découvrent notre activité, un peu de voltige pour s’entretenir… j’aime tout dès que je vole.

Ton site préféré ?

Dès que les conditions sont bonnes sur un site quel qu’il soit, c’est pour moi le meilleur site du monde…

Tu quittes Saint Hil après 20 ans d’enseignement, mare de Saint Hil ?

Tout, sauf ça ! Je quitte à regret tous mes amis du Plateau des Petites Roches pour des raisons pratiques et personnelles. Mais je découvre avec passion une nouvelle vie.

Tu t’installes où, pour faire quoi ?

A Annecy, dans la vieille ville… une expérience en soi pour un homme qui n’a jamais vécu en ville ! Ma compagne doit souvent rejoindre Paris pour son travail et nous sommes à 10 minutes à pieds de la gare. Annecy est une ville très agréable et la proximité du lac un vrai luxe. Pour ma part, Annecy me permet de poursuivre ma vie professionnelle avec l’équipe des « Grands Espaces ».

L’enseignement actuel est bien fait et te convient ?

J’ai toujours été profondément attristé par les accidents. L’analyse des causes révèle très largement des erreurs humaines. Faut-il mettre en cause l’enseignement ? Pour un moniteur il est ardu de comprendre les difficultés de son élève qui ne rentre pas dans le moule de « la pédagogie du 1er vol en trois jours ». L’aspect commercial impose en effet un accès rapide au 1er vol. Ainsi on apprend peu au client et on se débrouille pour le faire voler et ce, il faut le dire, plutôt en sécurité. Plus d’autonomie avant le premier « grand vol » garantirait à l’élève d’être moins le jouet d’une procédure donnant accès à une activité mystérieuse, et plus l’acteur de son apprentissage… affaire de pédagogie… Ainsi le « passeport du vol libre » de la FFVL est pour l’enseignant et son élève un outil précieux dont chaque ligne mérite d’être étudiée, développée et située dans le cadre de notre pratique. Ainsi le découpage de la formation en 3 cycles (correspondant aux 3 brevets), est une bonne chose. Cette modernisation de l’enseignement est certainement insuffisamment utilisée par les moniteurs.
Par ailleurs, une dérive actuelle présente l’apprentissage du pilotage d’un parapente comme uniquement proposée par des stages en milieu sécurisé (au-dessus de l’eau). A mes yeux c’est une erreur. L’apprentissage du pilotage d’un parapente se fait, dans toutes les bonnes écoles, dès l’initiation, et se poursuit dans d’excellentes conditions de sécurité, au-dessus du sol, ceci même aux second et troisième cycles. On peut néanmoins souhaiter à tous les pilotes de pouvoir s’offrir un jour un ou plusieurs stages SIV ou de « pilotage avancé » en se mettant au-dessus de l’eau. On y fait de l’excellent travail, utile à la sécurité de ceux qui y participent. Toutefois il est inutile d’y venir pour découvrir les BABA du roulis et du tangage et s’y faire satelliser sans rien comprendre, parce qu’on souffre d’une carence en formation initiale. La dynamique du vol et les inerties sont des notions qui doivent s’apprivoiser dans le temps par un travail parallèle d’expérience et de réflexion (théorie). Les bonnes écoles le savent et proposent de multiples exercices qui vous initieront en sécurité.

Ton point de vue sur la sécurité en parapente ?

La sécurité c’est une attitude. Tout se joue entre la connaissance de soi (tempérament, connaître son niveau technique…) et sa capacité d’analyse de l’aérologie et du terrain ; on est alors capable de mettre en adéquation son niveau à l’aérologie du jour. Quand on est capable de ça, on est autonome. La première étape est celle de savoir identifier des conditions calmes sur un site connu.

Le matériel actuel idéal pour voler en sécurité ?

Oui, bravo aux constructeurs et bravo à la nouvelle norme européenne qui classe les ailes de A à D, quatre niveaux d’exigence pour le pilotage. Attention toutefois aux « mini voiles » (14 à 18 m² actuellement) vendues au tout public qui aspire à du vol montagne. Petite aile veut dire voler à vitesse plus élevée : cela doit rester réservé à une élite. A ne pas confondre avec le Speed riding qui associe des voiles encore plus petites (8 à 12 m²) à la glisse du ski. Cette activité s’apprend, encadrée par des écoles qui en sont les spécialistes et sur des terrains de jeu identifiés.

Au fait, ton livre, il avait bien marché ?

J’ai écrit deux livres. Chaque fois avec un co-auteur. La première fois c’était en 1997 avec Yves Goueslain : « Le parapente, découvrir et progresser » édité par Amphora. Il a été complété et réactualisé récemment. Les chiffres de ses ventes démontrent que depuis 10 ans il répond idéalement aux besoinx initiaux de l’enseignement du parapente. Le second livre, tout récent, est co-écrit avec Alain Jacques pour le delta. Il s’agit du Manuel de la FFVL. Outre les cours, il contient l’ensemble des questions classées pour les trois niveaux de brevet : « initial », « pilote » et « confirmé ». C’est le livre qui aide à préparer les différents brevets. Sur le plan technique parapente, il complète avantageusement le premier, notamment avec un chapitre sur les incidents de vol.

Le plus beau livre que tu aies lu dans ta vie ?

« Jonathan Livingston le Goéland » ou « Siddartha » : deux livres qui m’ont beaucoup marqué.

De quoi as tu peur dans la vie ?

J’ai peur de mourir et de faire du mal aux autres, ces deux points, sans m’en rendre compte.

Envie d’exprimer autre chose ?

Je travaille aujourd’hui à mon compte et celui de ceux qui m’emploient. Hormis la pratique des vols de découverte ou pédagogiques en biplace j’ai aujourd’hui endossé un rôle de guide de vol, au service des clubs français et des écoles étrangères. On peut compter sur moi pour transmettre ma passion du vol en parapente.

Appelez moi !

Ha, n’oublions pas ! Rendez vous à la prochaine Coupe Icare.